«J’avais besoin de cette coupure» : ces jeunes qui repoussent l’entrée dans la vie active pour faire un long voyage (2024)

EXPÉRIENCE - Ils sont tous justes diplômés. Mais plutôt que de se lancer à corps perdu dans les envois de C.V. et de lettres de motivation pour décrocher leur premier emploi, ils ont passé les derniers mois de leurs études à préparer, planifier et économiser pour un long voyage.

«Besoin d'une coupure après des années d'études parfois éreintantes, désir de faire le point sur soi et sur ses envies, soif de grands espaces, de découvertes, d'immersion dans d'autres cultures…» Lorsqu'on leur demande, les raisons invoquées pour partir pour un long voyage, elles sont nombreuses. Et un timing idéal semble tout désigné pour ces jeunes adultes: celui de la fin des études, juste avant l'entrée dans la vie professionnelle. Car si du XVIe au XVIIIe siècle, seuls les jeunes aristocrates pouvaient effectuer leur Grand Tour à travers l'Europe, aujourd'hui, le voyage long s'est démocratisé. Souvent, grâce à des économies constituées pendant un contrat d'alternance, ou en cumulant études et emploi. Pourquoi sont-ils partis, comment se sont-ils organisés, qu'en ont-ils appris… Le Figaro a rencontré quatre jeunes ayant sauté le pas.

«Le plus dur, c'est de se lancer»

Mathis Pinos, 24 ans, diplômé de la Grenoble École de Management

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« Le plus dur, c'est de se lancer». Fin 2023, alternance dans le domaine de la conformité à BPI France et diplôme d'une école de commerce grenobloise en poche, Mathis Pinos se lance. Près d'un an avant la fin de ses études, il a commencé à économiser pour partir trois mois en vadrouille en Amérique du Sud. Son budget: 4500 euros. Il connaît déjà l'Équateur – une partie de sa famille y vit – et veut découvrir le reste du continent. Le voyage qu'il devait faire en Chine pendant ses études, avorté à cause de la pandémie de Covid-19, lui a aussi laissé un arrière-goût amer. Surtout, « c'était l'occasion de changer d'air» après six années d'études « très intenses» (dont une classe préparatoire aux grandes écoles): « J'ai pris conscience, une fois sur place, que j'avais vraiment besoin de cette coupure

Avant de partir, seules ses destinations d'arrivée et de départ et quelques grands sites comme le Machu Picchu et le désert d'Atacama (au Chili) sont arrêtés. « Je voulais vraiment avoir l'esprit libre, et ne pas devoir suivre un itinéraire tout tracé». Au fil des rencontres et suivant ses envies du moment, il traverse en trois mois la Colombie, l'Équateur, le Pérou, la Bolivie, le Chili, le Paraguay, l'Argentine et l'Uruguay. En devant, parfois, faire preuve de débrouillardise: liaisons de bus incertaines, intempéries le poussant à reporter des excursions et à changer son parcours à la dernière minute, évitement de justesse de la série de grèves qui a frappé le Machu Picchu… Des difficultés qui peuvent donner cependant ajouter de la saveur à certains souvenirs: « Une journée à batailler avec des bus en retard a failli me faire rater le coucher de soleil depuis l'Isla del Sol, sur le lac Titicaca. Mais aujourd'hui, cela reste une des plus belles images que j'ai. »

«Plus qu'un voyage, c'est une période d'apprentissage sur soi»

Constance Lardier, 24 ans, consultante en relations presse

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Constance Lardier a, elle aussi, opté pour l'Amérique du Sud après son alternance achevée fin 2022. Avec son compagnon, elle organise son voyage de quatre mois en Argentine et au Chili et commence à économiser un an avant le grand départ. En tout, ils mettent 10.000 euros de côté pour leur périple. « Les blogs et forums de voyageurs et les pages Facebook type ''Les Français à…'' ont été indispensables, que ce soit pour établir notre budget, s'informer, ou même rencontrer des gens sur place» souligne-t-elle.

Ils choisissent de faire se succéder wwoofing, soit des périodes où ils sont logés et nourris par l'habitant en échange d'aide à des travaux, et découverte du pays par eux-mêmes. Mais, même avec ce mode de voyage, la jeune femme assure que «sans alternance, cela n'aurait pas été possible. Mon conjoint est viticulteur, il travaillait déjà». Car la région n'a pas été choisie au hasard: le couple souhaite, entre autres, découvrir les vignes sud-américaines.

« La question de partir s'était déjà posée entre ma licence et mon master… Mais je me suis trouvée plus mature à la fin de mes études ». Car, pour Constance, aucun doute: « C'est le moment idéal pour entreprendre un tel périple. On est suffisamment mûr pour tirer le meilleur du voyage, pour apprendre sur soi. D'ailleurs, c'est bien plus qu'un voyage, c'est une période d'apprentissage sur soi

Rétrospectivement, elle décrit l'expérience comme une « étape de [sa] vie» à part entière. Le voyage longue durée, et plus particulièrement le woofing, a permis au couple d'expérimenter une immersion et un dépaysem*nt complet. Constance se souvient: « On a eu la chance de préparer Noël dans une famille, d'aider à décorer leur sapin en t-shirt en dansant, au beau milieu de l'été».

«Je me suis beaucoup laissée porter, et c'est un mode de voyage qui m'a beaucoup plu»

Dorine Darroman, 24 ans, cheffe de projet digital

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Dorine Darroman, 24 ans, a elle aussi trouvé dans son voyage post-études un moyen de mieux se connaître. Après un master dans une grande école de communication, une alternance en tant que content manager, et avoir économisé 5000 euros, ses quinze mois en Australie et en Asie lui ont permis d'affiner son projet professionnel.

Pourtant, elle reconnaît un obstacle fréquent à ce type de voyage avant d'entrer dans la vie active: «Il y a l'appréhension du trou dans le CV, la peur d'avoir du retard sur ceux qui auraient commencé à travailler dès l'obtention de leur diplôme…» Mais elle souligne que ce voyage lui a appris « que si une opportunité me file sous le nez, c'est qu'elle n'était pas faite pour moi

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La jeune femme a mis un point d'honneur à partir seule. «Je ne voulais pas partir avec des amis et risquer de m'enfermer dans un duo ou un trio». L'expérience lui a permis de découvrir son «côté aventurière» et de tisser des liens forts. Sur place, elle a notamment rencontré une Française «avec qui on a tissé un lien fort, une très belle relation». Tant et si bien qu'elles ont entrepris ensemble un road-trip depuis Brisbane jusqu'à Cairns. Le tout, «sans jamais vraiment rien prévoir, en vivant au jour le jour.» De manière générale, elle insiste sur l'importance de se laisser porter: «C'est, à mon sens, la différence entre un voyage et des vacances… Et c'est un mode de voyage qui m'a beaucoup plu.»

« Dans un voyage comme celui-ci, il faut être capable de s'adapter, de bifurquer»

Victoria Guillomon, 25 ans, auteure, conférencière et animatrice d’un podcast

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Victoria Guillomon a également choisi de se laisser porter pendant son périple de six mois à travers l'Inde et l'Asie. Pourtant, elle est partie avec un projet bien défini: la jeune femme diplômée d'un master en finance et en audit a choisi cette région du monde pour y tourner Shimla, un documentaire sur l'accès à l'eau coécrit avec Johan Reboul (créateur de contenus derrière la page Instagram Le Jeune Engagé). À deux, ils économisent en tout 100.000 euros pour la réalisation entière de leur film. Mais «à part l'écriture du documentaire, sur place, on s'est laissé aller à une part d'imprévu, portés par les rencontres que l'on faisait». Après un voyage au Rajasthan l'année de ses 18 ans, elle s'était promis de retourner en Inde. Mais pas en avion, par conscience écologique. Et avec un projet qui a «du sens».

Les deux jeunes mettent trois mois à rallier l'Inde, et traversent pour ce faire la Turquie, la Grèce, l'Égypte, l'Arabie saoudite, et enfin Oman. Sur place pendant un mois et demi, ils en profitent pour rayonner (Tibet, Chine, Népal, Mongolie, Russie entre autres). Seule étape ayant nécessité un avion: passer d'Oman à l'Inde: «Tous les bateaux nous disaient que c'était considéré comme du trafic d'humains, qu'il y avait de la piraterie, que c'était dangereux… On a dû se résoudre à prendre l'avion, regrette Victoria. Dans un voyage comme celui-ci, il faut être capable de s'adapter, de bifurquer. C'est inconfortable sur le coup mais tout s'arrange toujours» retient-elle. Son conseil pour ceux qui souhaiteraient sauter le pas: ne pas craindre l'inconnu. «Ce genre de voyage nous ouvre à tellement de choses, nous fait avoir tellement d'idées qu'on n'aurait jamais eues depuis notre chambre… Si on en a envie, il ne faut pas se poser trop de questions, et juste partir!»

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