Décision - RG n°23-05.191 | Cour de cassation (2024)

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 474 du Code de procédure civile, et compte tenu de l'absence du défendeur, régulièrement convoqué, le présent jugement sera réputé contradictoire.

Sur la demande d’allocation pour l’éducation de l’enfant handicapé:

Selon l'article L.114 du Code de l'action sociale et des familles, « constitue un handicap. toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant ».

Pour bénéficier des prestations liées au handicap, la personne handicapée doit être atteinte d'un taux d'incapacité permanente mesuré selon un guide barème national et déterminé par une équipe pluridisciplinaire.

L’AEEH est destinée à compenser les frais d’éducation et de soins apportés à un enfant en situation de handicap.

Elle est attribuée, en application des articles L. 541-1 et R. 541-1 du Code de la sécurité sociale,
• soit quand le taux d'incapacité permanente est au moins égal à 80 %,
• soit lorsque le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 79 % et que l’enfant fréquente un établissem*nt ou un service assurant une éducation adaptée ou si l'état de l'enfant exige le recours à un dispositif adapté ou d'accompagnement scolaire complémentaire ou nécessite des soins et/ou des rééducations par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. (À mettre en place ou à maintenir)

La détermination du taux d'incapacité est apprécié suivant le guide barème 2-4 annexé au Code de l'action sociale et des familles et se fonde sur l'analyse des déficiences de la personne concernée et de leurs conséquences dans les différents domaines de sa vie quotidienne (professionnelle, sociale, domestique) et non pas seulement sur la seule nature médicale de la pathologie qui en est à l'origine.

Le guide-barème ne fixe pas de taux d’incapacité précis mais indique des « catégories » de taux, correspondant chacune à un type de déficience et prévoit pour chaque catégorie de déficiences des degrés de « sévérité » des conséquences :
· forme légère : taux de 1 à 15 % ;
· forme modérée : taux de 20 à 45 % ;
· forme importante : taux de 50 à 75 % ;
· forme sévère ou majeure : taux de 80 à 95 %.

Le taux seuil de 50 % correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. L’entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d'efforts importants ou de la mobilisation d'une compensation spécifique. Toutefois, l'autonomie est conservée pour les actes de la vie quotidienne.

Un taux de 80 % correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle. Il est considéré que l'autonomie individuelle est atteinte dès lors qu'une personne doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée pour les actes de la vie quotidienne, ou n'assure ces derniers qu'avec les plus grandes difficultés. C'est également le cas lorsqu'il y a une abolition d'une fonction ou s'il y a une indication explicite dans le guide-barème.

Un taux inférieur à 50 % se caractérise par une incapacité modérée n’entraînant pas d’entrave notable dans la vie quotidienne de l’enfant ou de celle de sa famille.
Dans cette hypothèse, seuls les apprentissages scolaires sont perturbés sans retentissem*nt important sur la vie quotidienne, l’insertion scolaire, professionnelle et sociale de la personne.
Cependant, dans les situations où ils existent une lourdeur effective des traitements et/ou des remédiations à mettre en œuvre, le taux pourra être supérieur à 50% pendant une durée limitée permettant d’envisager l’attribution de cette prestation.

La détermination du taux de l'incapacité permanente n'est pas une compétence exclusivement médicale. En effet, c'est le degré de gravité des conséquences des déficiences, dans les différents aspects de la vie de la personne concernée, qui doit être pris en compte pour déterminer le taux d'incapacité à partir d'une approche globale et individualisée de sa situation. Cette approche doit tenir compte des diverses contraintes dans la vie de la personne, liées en particulier aux prises en charge (nombre et lieux des rééducations ou consultations, effets secondaires, etc.), ainsi que des symptômes susceptibles d'entraîner ou de majorer ces conséquences (asthénie, fatigabilité, etc.).
Ainsi, certaines déficiences graves peuvent entraîner des incapacités modérées alors qu’à l'inverse, des déficiences modérées peuvent du fait de l'existence d'autres troubles, par exemple d'une vulnérabilité psychique notable, avoir des conséquences lourdes.
De même, des déficiences bien compensées par un traitement peuvent entraîner des désavantages majeurs dans l'insertion sociale, scolaire ou professionnelle de la personne, notamment du fait des contraintes liées à ce traitement.

Par conséquent, le taux de l'IP ne correspond pas à la gravité des déficiences ou de la pathologie dont souffre la personne mais aux conséquences que ces déficiences ou cette pathologie ont sur la vie personnelle et professionnelle de la personne.

En ce qui concerne particulièrement les enfants, l'analyse doit en outre prendre en compte les particularités liées au fait que l'enfance et l'adolescence sont des phases de développement. C'est ainsi que, dans certains cas, même si les déficiences n'ont pas encore un impact direct sur les incapacités ou désavantages immédiats, elles peuvent entraver le développement à terme. Les mesures alors mises en œuvre pour éviter une telle évolution ou permettre l'apprentissage précoce de compensations diverses peuvent avoir un impact très important sur la vie du mineur et de son entourage proche qui peut également supporter des contraintes de ce fait. Il y aura donc lieu d'en tenir compte dans l'analyse.

Il n'est pas nécessaire que la situation médicale de la personne soit stabilisée pour déterminer le taux, mais la durée prévisible des conséquences doit être au moins égale à un an pour le déterminer.

En fonction de ces éléments, le taux de l’incapacité doit être déterminé en tenant compte des répercussions des altérations de fonctions dans les apprentissages et la socialisation tout en prenant en considération les contraintes liées aux prises en charge nécessaires ainsi que le retentissem*nt sur l’entourage familial :
De manière générale :
- le taux sera inférieur à 50% si les déficiences perturbent notablement les apprentissages notamment scolaires mais pas la socialisation
- le taux sera compris entre 50 et 79% si les déficiences perturbent notamment les apprentissages et retentissent sur la socialisation
- le taux sera supérieur à 80% si les déficiences de l’acquisition du langage écrit et oral rendent celui-ci incompréhensible ou absent ou en cas d’atteinte de l’autonomie.

[Z] [L], âgé de 13 ans, est scolarisé en classe de 5ème au collège. Il résulte des éléments médicaux du dossier qu’il présente un trouble du neurodéveloppement avec immaturité psychoaffective, un trouble du langage écrit, une dyspraxie gestuelle, une dysgraphie, une lenteur exécutive, une dyslexie mixte qualifiée de sévère, un trouble phonologique ainsi qu’une acuité visuelle faible pour lesquels il bénéficie d’une prise en charge hebdomadaire en ergothérapie, en orthophonie et en orthoptie.

Le Dr [P] a estimé dans ses conclusions versées à la procédure que les troubles de l’enfant correspondent à un taux d’incapacité compris entre 50 et 79%.

Il résulte effectivement des pièces du dossier que les troubles présentés par [Z], au-delà des apprentissages scolaires, retentissent également, en tout cas actuellement, sur sa socialisation.
Les troubles du code phonologiques qualifiés de sévères dont l’adolescent est atteint altère son intelligibilité de sorte que [Z] est difficile à comprendre. La présence d’un retard de parole et de langage entraîne un maque de confiance en lui.
Le bilan en ergothérapie conclut à une forte entrave de [Z] dans sa participation aux activités quotidiennes au regard de ses importantes difficultés au niveau des étapes du développement sensimoteur qui affectent l’équilibre statique et dynamique, les coordinations, la régulation tonique et la motricité fine.

Le collège [13] dans lequel il est scolarisé depuis la 6ème en septembre 2022 a effectué un bilan qui a mis en évidence la difficulté pour l’adolescent, au niveau social et émotionnel, de tisser des liens et des amitiés.

Le GEVA-Sco produit pour l’année scolaire 2022-2023 mentionne de nombreuses activités qui sont réalisées avec des difficultés régulières et/ou une aide régulière soit: s’orienter dans le temps et l’espace, fixer son attention, mémoriser, avoir des relations avec autrui conformes aux règles sociales et parler

Dès lors, au regard de ces développements, le Tribunal considère que les troubles présentés par [Z] [L] perturbent, à ce stade charnière de développement et de scolarisation non seulement les apprentissages mais retentissent également, temporairement, sur sa socialisation.

Au vu de l'ensemble des éléments soumis à son appréciation, le Tribunal décide de fixer l’incapacité de [Z] [L] à un taux d’incapacité compris entre 50 et 80 % en application du guide barème pendant une période de 3 ans, à compter du 1er juin 2022.

Dès lors, la demande de [V] et [D] [L] sera déclarée bien-fondé sa demande d'allocation d'Éducation de l'Enfant Handicapé pour [Z] [L] accueillie.

Le récapitulatif fourni des frais engendrés pour les suivis de [Z] ne montre pas de dépenses égales ou supérieures à la somme mensuelle de 232,06 € au regard du barème applicable du 1er avril 2022 au 31 mars 2023 de sorte que Monsieur et Mme [L] ne sont pas éligibles à un complément.

Sur la demande d’aide humaine individualisée:

En application de l'article D 351-5 du code de l'éducation, un projet personnalisé de scolarisation définit et coordonne les modalités de déroulement de la scolarité et les actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales, médicales et paramédicales répondant aux besoins particuliers des élèves présentant un handicap (...).

Il résulte de l'article D351-6 et D 351-7 du même code que l'équipe pluridisciplinaire mentionnée à l'article L146-8 du code de l'action sociale et des familles, élabore le projet personnalisé de scolarisation (…) et, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées se prononce sur l'orientation propre à assurer la scolarisation de l'élève handicapé, au vu du projet personnalisé de scolarisation élaboré par l'équipe pluridisciplinaire et des observations formulées par l'élève majeur ou s'il est mineur, ses parents ou son représentant légal (...), sur l'attribution d'une aide humaine, sur un maintien à l'école maternelle et sur les mesures de compensation de nature à favoriser la scolarité de l'élève handicapé, notamment sur l'attribution d'un matériel pédagogique adapté ainsi que sur les actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales, et paramédicales nécessaires.

En application de l'article L.246-1 du code de l'action sociale et des familles, toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. Adaptée à l'état et à l'âge de la personne, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et sociale (...).

En application de l'article D351-16-1 du code de l'éducation, l'aide individuelle et l'aide mutualisée constituent deux modalités de l'aide humaine susceptible d'être accordée aux élèves handicapés (...). Ces aides sont attribuées par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, mentionnée à l'article L146-9 du code de l'action sociale et des familles qui se prononce sur la base d'une évaluation de la situation scolaire de l'élève handicapé, en prenant en compte notamment son environnement scolaire, la durée du temps de scolarisation, la nature des activités à accomplir par l'accompagnant, la nécessité que l'accompagnement soit effectué par une même personne identifiée, les besoins de modulation et d'adaptation de l'aide et sa durée.

En application de l'article D351-16-4 du code de l'éducation, l'aide individuelle a pour objet de répondre aux besoins d'élèves qui requièrent une attention soutenue et continue, sans que la personne qui apporte l'aide puisse concomitamment apporter son aide à un autre élève handicapé. Elle est accordée lorsque l'aide mutualisée ne permet pas de répondre aux besoins d'accompagnement de l'élève handicapé. Lorsqu'elle accorde une aide individuelle, dont elle détermine la quotité horaire, la commission susmentionnée définit les activités principales de l'accompagnant.

Des aménagements et adaptations pédagogiques ont été mis en place au collège au regard de la grande fatigabilité présentée par [Z] [L] dans toutes les tâches écrites et dans le cadre duquel a été notamment mis en place l’utilisation progressive d’un ordinateur ainsi qu’un temps supplémentaire pour réaliser les tâches demandées, une reformulation, des cours numériques, une tolérance orthographique…

Le GEVA-Sco produit pour l’année 2021-2023 conclut toutefois à une scolarité qui n’a pas permis d’accéder aux acquisitions attenues pour la moyenne d’âge malgré les aménagements et adaptations pédagogiques mis en placé et jugés insuffisants.
L’équipe enseignante souligne que [Z] a pu bénéficier d’un accompagnement à hauteur de 5 heures par semaine environ compte-tenu de la présence d’un AESH dans la classe pour d’autres élèves et constate que cette aide lui a été très bénéfique sans être suffisante.
Il est également noté que [Z] fournit des efforts considérables mais qu’au regard des grandes difficultés de compréhension, la suite de sa scolarité sera particulièrement difficile compte-tenu du besoin de reformulation, de guidance et d’étayage. Les professionnels concluent à la nécessité pour l’adolescent de disposer d’un accompagnement humain pour le soutenir au niveau de l’attention et du passage à l’écrit, pour réactiver ses connaissances et les mobiliser quand il en a besoin, l’encourager et le soutenir.

le Docteur [P], dans ses conclusions jointes au présent jugement, a préconisé la mise en place d’une aide humaine individuelle.

Aux termes de ces développements, le tribunal considère que l’état de santé de [Z] et les troubles qu’il présente nécessitent un accompagnement soutenu et continu de sorte qu’il convient de le faire bénéficier d’un accompagnement individuel sur l’intégralité de son temps scolaire, hors parcours de soins.

En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, il y a lieu de laisser les dépens de l'instance à la charge de la Maison Départementale des Personnes Handicapées des Bouches du Rhône.

Décision - RG n°23-05.191 | Cour de cassation (2024)
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